L'ETOILE ET SON HISTOIRE par Ghislain LANCEL

Rapports de la gendarmerie de L'Etoile (1940-1944)

 

Les archives de la Seconde guerre mondiale sont désormais accessibles. Nous avons le plaisir de vous transmettre les résumés que nous a communiqué André Sehet sur les rapports de gendarmerie de L'Etoile, archivés au Château de Vincennes (S.H.D., Service Historique de la Défense).

 

Activité communiste (8 octobre 1940)

La propagande communiste reprend de l’essor dans la région. L’Humanité, journal communiste, paraît ronéotypé sous petit format et est passé sous les portes la nuit. Le 8 octobre 1940, il a été distribué à L’Étoile. Le sieur A… de Saint-Ouen, communiste notoire ayant eu maille à partir avec la justice en août 1939, doit en être le colporteur.

Source : Arch. de Vincennes, Rapports de gendarmeries, 80 E 242 page 144.

Activité gaulliste : nouvelle recrudescence des « V » (28 juillet 1941)

28 juillet 1941

Des « V » accompagnés d’insignes du mouvement de Gaulle, ou encore des lettres « V R AF », ont été inscrits à la craie, sur le C G C N° 216 à hauteur de la commune de Bouchon, vers Domart-en-Ponthieu.

Quelques unes de ces inscriptions ont figuré également le 14 février dernier sur le C G C N° 112, notamment au hameau des Moulins Bleus. Ce jour-là, une patrouille commandée par le C B a remarqué ces inscriptions le matin à 4h. Il en a avisé immédiatement le maire qui les a fait disparaître.

Les recherches effectuées dès lors en vue de découvrir les auteurs sont restées vaines. Le 23 juillet, l’autorité locale occupante ordonnait au maire de désigner 3 hommes de la localité qui ont été conduits et retenus à Amiens à titre de sanction. Ces hommes sont : VINCENT Edouard, LECUT Pierre et GUILBERT René. Ils sont âgés de 20, 22 et 26 ans.

La population de L’Étoile et de Bouchon et des environs est unanime à regretter ce faits et à mépriser le procédé qui dit elle est l’œuvre de quelques fous.

Les personnes de bonne foi ne seraient pas fâchés de voir les vrais coupables inquiétés dont au moins deux seraient connus d’elles, mais devant les gendarmes elles se taisent. Toutefois les langues se délient et il est fort probable que la découverte des auteurs de ces inscriptions se fera jour sous peu.

Source : Arch. de Vincennes, Rapports de gendarmeries, 80 E 242 page 288.

Remise à la Felgendarmerie de la Feldkomandantur d’Amiens de 4 individus auteurs d’inscriptions hostiles (31 juillet 1941)

Ce matin, 31 juillet 1941, vers 11 h, un gradé de la Felgendarmerie de la Feldkomandantur d’Amiens s’est présenté à la brigade et a invité le C B à relever le nom de trois civils de L’Etoile amenés en camionnette à Amiens à titre de sanctions prises en contre partie des inscriptions hosties faites sur les routes et pour lesquelles les premières recherches effectuées ont été effectuées.

La population de L’Etoile qui en général réprouve la façon de procéder de quelques individus qui se sont rendus coupables de ces inscriptions a été quelque peu émue de voir partir des personnes qu’elle sait innocentes.

Une enquête nouvellement entreprise ce jour a abouti à la découverte d’un homme et de trois jeunes gens qui ont reconnu ou qui sont accusés d’être les auteurs de certaines inscriptions. Ce sont :

MARECHAL André, 35 ans demeurant à L’Etoile ; MARECHAL René, 17 ans et MARECHAL Paul, 18 ans ; DAUSSY Michel, 19 ans.

Ces quatre civils qui sont des ouvriers d’usine ont été arrêtés sur ordre de la Felgendarmerie de Flixecourt qui a reçu des instructions de la Felgendarmerie d’Amiens qui se chargera de leur transfèrement dans la journée du 1er août.

A noter que les nommés VINCENT Edouard, LECUT Pierre et GUILBERT René, primitivement conduits à Amiens le 23 juillet pour la même cause sont rentrés à L’Etoile.

En complément, signalons que Sergine, fille d'André Maréchal, confirme les faits pour son père et les neveux de celui-ci : "A la suite, mon père a été matraqué violemment par la gendarmerie et enfermé dans un cachot à l'hôtel du Colvert de L'Etoile, où là, ils lui ont fortement commotionné le crâne, ce qui lui a laissé des séquelles. Puis il a été emprisonné comme interné politique. Sorti de prison, il évoquait le Dr Richard et l'abbé Garde de Longpré-les-Corps-Saints".

Source : Arch. de Vincennes, Rapports de gendarmeries, 80 E 242 page 293.

Distribution de tracts communistes (6 octobre 1941)

Le 6 octobre 1941 à 5 h 30, un individu âgé de 30 ans environ, grand, maigre, coiffé d’un béret basque portant au bras un brassard de la SNCF a été vu à Long distribuant des tracts communistes. Ce même individu a été rencontré 3 semaines plus tôt se dirigeant à bicyclette en direction de L’Etoile.

Source : Arch. de Vincennes, Rapports de gendarmeries, 80 E 242 page 406.

Tracts jetés d’avions (6 avril 1942)

Des tracts d’inspiration anglaise ont été ramassés entre Ville–le-Marclet et Bettencourt -Saint-Ouen ainsi que dans les marais de L’Étoile et Condé-Folie le 6 avril 1942.

Ces tracts ont été remis au chef de poste allemand. Ils titraient : « Les usines Renault travaillaient pour l’armée allemande. Les usines Renault ont été frappées ». Ils représentent des photos des usines Renault.

Source : Arch. de Vincennes, Rapports de gendarmeries, 80 E 243 page 47.

Nouveau gendarme (2 août 1943)

De Flixecourt, le 2 août 1943, le Maréchal des logis chef Vermeille, commandant la brigade, informe le chef d'escadron commandant la compagnie à Amiens que PATRY Raymond-Léony, nouvel admis demeurant à L'Etoile (Somme) a été mis en route ce matin sur l'Ecole Préparatoire de Gendarmerie de Mamers [Sarthe], qu'il doit rejoindre avant le lendemain, 12 heures.

Source : Arch. de Vincennes, Rapports de gendarmeries, 80 E 243, p. 52.

Vol de tickets à L’ÉTOILE le 27 décembre 1943

Le 27 décembre 1943, vers 20 h 45, deux individus ont fait irruption au domicile de M. LUCAS Clément, secrétaire de mairie, demeurant rue d’Amiens à L’Étoile, en criant « haut les mains, les tickets, pas de chahut, les copains sont dehors ». Ils l’ont forcé à aller chercher les tickets à la mairie accompagné d’un 3ème homme armé et masqué lui aussi pendant que les deux autres restaient au domicile de M. LUCAS. Ils revinrent au bout de 15 minutes.

Après leur départ, M. LUCAS est allé aviser le maire. Aucun moyen de locomotion n’a été remarqué.

Ils ont dérobé les tickets de pain, de savon, de viande, …

Source : Arch. de Vincennes, Rapports de gendarmeries, 80 E 243 page 416.

Même affaire, dans la presse :

À L’ÉTOILE. Deux individus masqués ont attaqué lundi soir, à 21 heures, M. Clément LUCAS, secrétaire de mairie à l’Étoile. Ils l’emmenèrent à la mairie par une ruelle détournée et se firent remettre 7750 feuilles de rationnement.

Source : Journal d’Amiens, 30 décembre 1943.

L’ÉTOILE, chute d’un obus de DCA (27 mars 1944 )

Un obus de DCA est tombé à L’Étoile le 27 mars 1944, vers 16 h 30 cité des Moulins Bleus, à 100 mètres derrière un bâtiment à usage de crèche. Son explosion n’a causé aucun accident de personne ni dégâts matériels.

Source : Arch. de Vincennes, Rapports de gendarmeries, 80 E 243 page 471.

L’ÉTOILE : vol de la paye des tourbiers le 30 juin 1944

Le 30 juin 1944, vers 14 h 45, deux individus se sont emparés d’une somme de 47 000 Francs que portait Mademoiselle CAILLY Denise, employée aux usines Saint-Frères aux Moulins Bleus, commune de L’Étoile.

Elle était porteuse de la somme destinée aux ouvriers employés à l’extraction de tourbe sur un chantier sis dans les marais en bordure de la Somme. Ces individus, dont l’un était armé, se trouvaient cachés dans les herbes en bordure du chemin de halage, rive droite de la Somme, où circulait Mademoiselle CAILLY Denise. Ils lui ont barré le passage et lui ont soustrait la dite somme. Ils se sont enfuis en direction des Moulins Bleus à bicyclette où on perd leurs traces. Le tout comprenait une quarantaine d’enveloppes en fort papier de couleur grise (15 X 14 cm). L’extérieur porte les mentions : atelier, nom et prénom de l’ouvrier et la somme payée.

Signalement :

Porteur du pistolet : 1,70 m environ, 20 ans, cheveux bruns, veste noire, pull-over marron, coiffé d’un béret basque.

L’autre : 1,60 m environ, 20 ans environ, corpulence assez forte, cheveux blonds, veste marron, coiffé d’un béret basque, portait un carnier de chasse.

Aucun autre renseignement pour l’instant.

Source : Arch. de Vincennes, Rapports de gendarmeries, 80 E 244 page 30.

Extorsion de fonds à L’ÉTOILE le 21 juillet 1944

Le 21 juillet 1944, deux individus se réclamant de la résistance ont fait irruption chez M. PETIT Gustave, marchand de primeurs à l’Étoile. Sous la menace de leurs armes, ils se sont faits remettre la somme de 33 000 Francs. Ils avaient un fort accent du nord. Direction prise inconnue …

Source : Arch. de Vincennes, Rapports de gendarmeries, 80 E 244 page 43.

Extorsion de fonds à L’ÉTOILE le 1er août 1944

Le 1er août 1944, deux individus ont dérobé 3 500 Francs à M. PETIT, marchand de primeurs à L’Étoile, alors qu’il circulait en voiture hippomobile sur le C G C 216 avec son épouse, se rendant à Condé-Folie.

Source : Arch. de Vincennes, Rapports de gendarmeries, 80 E 244 page 48.

Bombardements à FLIXECOURT et à L’ÉTOILE (13 août 1944 )

Le 13 août 1944, vers 20 h, des avions légers anglais ont lancé deux bombes sur le C G C 159 à Flixecourt. Deux bâtiments de l’usine Saint-Frères situés de chaque côté de la route ont été touchés. Un incendie qui a pu être maîtrisé assez rapidement s’était déclaré dans la teinturerie. Dégâts assez importants. Pas de victime.

A la même heure, une dizaine de bombes est tombée sur les établissements Saint-Frères du hameau des Moulins Bleus, commune de L’Étoile.

Dégâts matériels : une grande partie des bâtiments de l’usine sont plus ou moins endommagés. Quatre maisons ouvrières situées dans la rue dite « Cité des Moulins Bleus » au pied de l’usine sont détruites et un assez grand nombre d’autres endommagées.

Victimes :

Un mort : BREBION Oscar, né le 17 novembre 1888 à Saint Etienne (Pas-de-Calais), fils de Pierre et de DEPREZ Constance, demeurant « Cité des Moulins Bleus » à L’Étoile.

Quatre blessés : deux hommes et deux femmes.

Source : Arch. de Vincennes, Rapports de gendarmeries, 80 E 244 page 52.

Vol à L’ÉTOILE le 18 août 1944

Le 18 août 1944, vers 12 h, deux individus armés ont fait irruption dans le débit de tabac LAMORY de L’Étoile et, au nom de la résistance, ils ont emporté du tabac pour une valeur de 700 Francs.

Ces deux individus circulaient à bicyclette.

Direction prise : Condé Folie

Source : Arch. de Vincennes, Rapports de gendarmeries, 80 E 244.

Rapport sur le curé Pont, le 8 novembre 1944

A Flixecourt le 8 novembre 1944. Rapport du Maréchal des logis-chef VERMEILLE, commandant la brigade Sur une propagande à tendance antinationale par le curé des paroisses de Condé-Folie et l’Etoile. REFERENCE : Art. 78 du décret du 20 mai 1903.

Au cours d’un service effectué le 6 novembre 1944 à Condé-Folie, le commandant de brigade a eu vent d’une certaine rumeur qui se répandait dans la localité à l’encontre du curé de la paroisse à qui il est reproché de se livrer à une propagande antinationale, auprès des enfants, au cours de ses leçons de catéchisme. Bien qu’aucune déclaration écrite ne m’ait été faite, j’ai vu plusieurs enfants en présence de leurs parents, notamment les jeunes MOURONVAI et HURE, âgés de 11 ans. Voici exactement, sans en dénaturer le sens ce que les enfants ont dit : « La semaine dernière, au cours d’une leçon de catéchisme, l’abbé PONT, curé de la paroisse, nous a inculqué que nous « devions pour nos amis et pour nos ennemis ; que les allemands étaient nos ennemis, et qu’il fallait prier pour eux, sans cela Hitler irait au paradis et nous irions à l’enfer. » Au cours d’une autre leçon : « Les soldats français en uniforme qui se battent contre les allemands, c’est bien. Le F.F.I. en civil, qui donnent le coup de poignard dans le dos des allemands en les attaquant, c’est traitre. » Il nous a été rapporté que quand les alliés venaient bombarder les installations ennemies, il disait d’eux : « Voilà nos libéraTUEURS ». A l’Etoile, en chaire, un dimanche, il se serait écrié, toujours à cause des bombardements, que les Anglais et les Américains étaient des assassins. Après la libération, M. l’Abbé Pont voulait continuer l’œuvre instaurée en 1941 par le Maréchal Pétain qui voulait que la religion fasse partie des heures de classe à l’école laïque, c’est-à-dire deux heures d’éducation religieuse par semaine. Enfin, à la Toussaint, jour des morts, il lui est reproché de n’avoir dit un mot pour ceux qui étaient tombés pour la libération de la France, et ce contrairement au désir exprimé par le gouvernement.

Nous n’avons pu savoir si l’abbé Pont était en relations avec un groupement ou parti ancien d’inspiration antinationale. Une surveillance sera exercée sur les agissements dont il peut se rendre coupable et tout renseignement nouveau sera porté immédiatement à la connaissance de nos chefs.

 

Rapport sur le Docteur Eugène RICHARD de L’ÉTOILE (sans date)

A son rappel sous les drapeaux, le docteur RICHARD Eugène habitait à L’Étoile depuis 6 ans, venant de Malakoff (Seine).

Quelques mois après son arrivée, à une élection municipale complémentaire, il fut élu conseiller municipal, puis tout aussitôt maire d’une municipalité qui en 1936 se révéla être à 80% communiste. Celui-ci ne dévoila jamais exactement son étiquette politique ; certains le disaient communiste, d’autres pupiste.

Des personnes dignes de foi qui l’ont souvent approché et ont travaillé avec lui affirment qu’il n’est pas communiste mais tout simplement « maître nageur » pour employer le terme. Il est un fait, c’est qu’il a su dès son arrivée à L’Étoile, profiter de la situation de la municipalité, le maire ayant été dans l’obligation de démissionner à la suite d’une condamnation. Il a tout de suite pris en mains les affaires de la commune, mais surtout les clients.

Par ailleurs, il y a toutefois cette constatation que pendant le laps de temps où les communistes avaient droit de cité, il ne fréquentait qu’eux. Il était en relations très étroites avec un inscrit au parti communiste, lequel fut arrêté par la brigade le 26 août 1939 et rayé par la suite de l’affectation spéciale à la SNCF et affecté à une compagnie de mitrailleuses. Leurs relations étaient telles qu’il était permis de se demander si celui-ci ne marchait pas selon les directives et conseils du docteur RICHARD. L’on notait aussi qu’aux réunions publiques communistes ou autres, il savait quitter les lieux à temps pour pouvoir par la suite se défendre des attaques de l’un ou de l’autre.

Comme maire, il s’est toujours efforcé de faciliter la tâche de la gendarmerie et ses relations avec elle furent toujours empreintes de franchise voire même cordiales, mais la gendarmerie s’est toujours un tant soi peu méfiée de cette franchise et de cette cordialité qui pouvait très bien n’être qu’une manœuvre.

Source : Arch. de Vincennes, Rapports de gendarmeries, 80 E 242.

 

Publication : Ghislain Lancel. Recherches, rédaction et communication : André Sehet (Dossiers de la gendarmerie de Flixecourt, période de la Seconde guerre, photographiés par Jacques Fouré, entièrement recopiés par André Sehet), Sergine Maréchal (compléments).

Première publication le 25/10/19. Dernière mise à jour de cette page, le 27/10/19.

 

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